Madrid-Lausanne

Si vous avez bien suivi, vous saurez que cette semaine débute à Madrid et se termine à Lausanne. Et j’ai très peu cuisiné, entre le weekend espagnol et les multiples sorties de décembre…

Samedi soir, nous avons fait un très bon repas au restaurant Arrayàn à Madrid, mais qui nous a laissé une impression un peu mitigée. En effet, nous avons été placés non pas dans la salle « normale », mais dans une petite salle séparée de l’entrée par des rideaux semi-fermés, où nous étions seuls, et comme l’a très bien résumé mon homme, nous ne savions pas si c’était une punition ou un honneur, mais en tout cas c’était, de notre point de vue, peu agréable – on vient aussi au restaurant pour une sorte d' »expérience sociale » après tout. Je dois dire que le service a très bien suivi, nous ne nous sommes jamais sentis abandonnés. Le chef, très sympathique, est venu nous parler plusieurs fois. Le fait qu’il s’agit d’un menu dégustation unique, sans choix possible (ce qui en soi ne me dérange absolument pas) n’a jamais été explicité. Le repas lui-même fut très bon, moins bon et moins recherché à mon avis que chez Etimo la veille, mais très bon, à l’exception des petites escalopes de foie gras servies beaucoup trop tièdes et donc écœurantes. J’ai aussi trouvé que tout cela manquait cruellement de légumes (ce qui n’était pas le cas la veille). Enfin, le service était gentil, mais je pense qu’il manquait quelqu’un du niveau « maître d’hôtel », les plats étaient présentés très sommairement et surtout, le vin (que nous avons pris au verre) était servi sans faire goûter (même à l’ouverture de la bouteille !) et sans le présenter (nous avons dû à chaque fois demander de quel vin il s’agissait).

Dimanche midi, nous avons mangé à l’aéroport, zone transit, dans une rôtisserie espagnole très honorable, Pepito Grillo. J’ai pris le secreto de porc, qui avait une portion un peu congrue de légumes en accompagnement (mais les légumes en Espagne, c’est toujours un peu difficile) mais était délicieux (et c’est rare de bien manger dans un aéroport, surtout en zone transit).

Dimanche soir, nous sommes arrivés à la maison vers 19h30, j’ai juste eu le temps de faire des fettucine aglio olio peperoncino. C’est simple et vite fait, c’est bon, bref, parfait pour un repas fait à l’arrache.

Lundi soir, j’ai pioché dans le congélateur et le frigo pour faire une improvisation : rognons de lapin aux échalotes, déglacés au cognac, avec un peu de sauge et de purée de tomates confites, le tout accompagné de purée de haricots verts.

Mardi soir, spectacle à 20h à Yverdon, nous avons juste eu le temps pour un plat à La Grange – d’excellents tagliolini à la truffe (abondamment garni de copeaux de truffe bien fraîche !) pour ma part.

Mercredi soir, j’ai cuit un saucisson (type saucisson vaudois) de sanglier et l’ai servi avec une purée de pois cassés assaisonnée à l’ail en poudre et au paprika fumé – miam !

Jeudi soir, nous sommes allés à la Brasserie du Royal avec des amis. C’est toujours un endroit hautement recommandable. J’ai commencé par trois huîtres et un oursin, et poursuivi par une de leurs pièces de viande rassise, une araignée de veau délectable (désolée pour les photos pourries, il faisait assez sombre).

Vendredi soir, spectacle à nouveau, mais un peu plus tard (20h30), ce qui nous a permis de manger tranquillement à la Maison Thaï. Nous avons partagé une salade de boeuf en entrée, puis un canard croustillant aux légumes et un porc pimenté au basilic, le tout très bon, comme toujours.

Les Saisons, une perle cachée

Il y a bientôt une semaine, samedi soir, nous avons été manger dans un restaurant gastronomique dont on entend peu parler, Les Saisons. Il s’agit d’un des deux restaurants du Grand Hôtel du Lac, à Vevey. J’ai décidé de lui consacrer un billet car je ne suis toujours pas revenue d’avoir fait un repas aussi extraordinaire dans un lieu aussi peu médiatiquement visible.

L’endroit est attrayant, avec une très jolie terrasse et un décor qui mélange modernisme et Grand Siècle, avec des beaux parquets et du papier peint en grisaille représentant des scènes très Marie-Antoinette, de lustres de Murano, un nappage blanc étincelant et un amusant bestiaire en sculptures métalliques posé sur les tables. La salle unique peut servir, à vue de nez, une trentaine de couverts.

La carte se présente de manière simple, avec deux menus : le menu « Découverte de saison », en quatre ou cinq plats (130 et 155 francs respectivement), et le menu « Voyage gastronomique » en six plats (175 francs). On vous précise aimablement que tout plat de l’un ou l’autre menu peut aussi être pris à la carte.

Nous avons opté pour le Voyage Gastronomique. Notre première entrée fut « Langoustine Avocat | céleri branche | citron cumbawa ».

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Non seulement c’est ravissant, comme vous pouvez le voir, mais c’est culinairement une pure merveille, en particulier dans le traitement du céleri branche, sous la forme d’une branche confite (mais non sucrée), ce qui lui fait relâcher des saveurs incroyables, beaucoup plus subtiles qu’à l’accoutumée, ainsi que de feuilles frites aériennes, croustillantes et savoureuses. Sur cette base, les langoustines formaient un contraste très délicat, aiguisé par le mariage parfumé avocat-cumbawa. Dans la petite assiette de côté, en déclinaison, un petit tartare de langoustine et avocat fondant et parfaitement délectable.

La deuxième entrée se nommait « Ris de veau Carotte | courge muscade | miel | sésame ». Je cuisine moi-même les ris de veau, et j’avais été très déçue par ceux dégustés chez Passard à L’Arpège à Paris, qui, pour un prix exorbitant, n’étaient franchement pas meilleurs que les miens. Aux Saisons j’ai été comblée :

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Sur un lit de tranches de courge, lui même reposant sur une purée de carottes, était posé le ris de veau, nappé d’une sauce qui, bien qu’au miel, n’avait rien de doucereux. Le tour de force, à mon sens, résidait dans le fait de servir un ris de veau qui, bien que saucé, restait croustillant à l’extérieur et moelleux à l’intérieur, et dont la sauce n’étouffait pas la subtilité du ris. Les goûts de la courge, de la carotte et du sésame se fondaient parfaitement entre eux, pour former finalement un plat triomphalement réussi. Pour l’accompagner, une petite salade de carottes au sésame, bonne mais pas exceptionnelle, et une délicieuse petite soupe de courge avec un mini-beignet de ris de veau, exquis :

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Ensuite, comme plat de poisson, on nous servit « Sole « Petit Bateau » Huîtres | topinambour | betterave | pak choï ». Pas de photo, j’ai oublié d’en faire, toute occupée à la dégustation… Sole ferme et de goût très fin, une huître en beignet qui ne m’a pas convaincue (mais je dois avouer que je n’ai jamais compris l’intérêt de cuire des huîtres, ce qui leur enlève une bonne partie de leur goût), et une huître dans sa coquille, superbement assaisonnée d’une légère vinaigrette.

Le plat de viande était « Pigeon fumé et rôti Cèpes | salsifis | échalotes | café ». C’est d’abord tout un spectacle (que j’ai malheureusement oublié de photographier), puisque nous avons vu arriver un chariot surmonté d’une cloche. La cloche est soulevée, relâchant une vapeur aux notes fumées alléchantes, pour dévoiler le pigeon. Une fois servi dans l’assiette, voici ce que ça donne (les accompagnements étant servis dans des petites assiettes à part, qui ne figurent pas sur la photo) :

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C’est une belle harmonie en brun, n’est-ce pas ? C’est aussi (et surtout), une belle harmonie en bouche. L’assiette est pulvérisée de café, et de gauche à droite on voit les cèpes, le salsifis, et le pigeon. J’ai rarement dégusté du salsifis, et jusqu’à présent le peu que j’en avais mangé ne m’avait pas convaincue. Aux Saisons il était délicieux, sans amertume, avec un goût très fin et une consistance serrée, sans aucune aquosité. Quant au pigeon, il était fabuleux, avec une sauce concentrée qui faisait ressortir à peine une pointe de café, parfaite.

Nous avons ensuite vu arriver un splendide chariot de fromages, avec un beau choix de pâtes mi-dures et molles, tant françaises que suisses. J’ai enfin pu goûter la boule de Belp dont j’avais plusieurs fois entendu parler, et que j’ai trouvée excellente. J’ai aussi dégusté un excellent « Bleu des montagnes » suisse.

Et pour terminer dignement ce festin, nous avons eu comme dessert « Ananas Pamplemousse | vanille | meringue » :

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N’aimant pas le pamplemousse, je n’ai pas fait honneur à la quenelle de sorbet, mais l’ananas sur sa base meringuée était très bon, et la légèreté et la fraîcheur du tout furent bienvenues.

Un mot encore des vins et du service : nous avons demandé un accord vins-plats, qui fut réussi, sans être exceptionnel. Le service était absolument charmant, mais malheureusement un peu désynchronisé dans la séquence vins-plats, il y a donc là clairement un potentiel d’amélioration. Ceci dit, on nous a très aimablement et spontanément offert deux verres de vin pour compenser ces petits défauts, geste très apprécié.

En conclusion, il s’agit pour moi d’un chef dont la cuisine est clairement à la hauteur des plus grands cuisiniers de ce pays, et donc d’un rapport prix/plaisir exceptionnel, et je ne peux que vous encourager à y aller ! Sachez que ce billet n’est absolument pas « sponsorisé », comme on dit, le restaurant ne sait même pas que je l’écris.

Les Saisons
Grand Hôtel du Lac
Rue d’Italie 1
1800 Vevey
Tél. +41 21 925 06 06
http://www.hoteldulac-vevey.ch/fr/cuisine-fr/les-saisons/